Timbre : 2025 Charlotte Delbo 1913 - 1985

Il y a des voix qui reviennent du silence comme des éclats de vérité. Celle de Charlotte Delbo, elle, a traversé l’enfer pour continuer de parler.

Elle naît en 1913 à Vigneux-sur-Seine, en banlieue parisienne. Une enfance simple, un goût précoce pour les mots. Plus tard, elle devient assistante de Louis Jouvet au théâtre : la magie de la scène, la poussière des coulisses, le trac avant que le rideau se lève… On pourrait croire que sa vie allait rester faite de dialogues et de projecteurs. Mais l’Histoire a cette manie de tout renverser. En 1942, avec son mari Georges, elle entre en Résistance. Même pas pour devenir une héroïne, simplement parce qu’elle juge “inadmissible” de se taire. Pas si simple.

Arrêtée, déportée : Auschwitz-Birkenau, le camp des femmes. 230 Françaises partent avec elle dans un convoi, le 24 janvier 1943. Moins de 50 reviendront. Le froid qui ronge les os, la faim qui rend folle, les cris, les numéros tatoués. Elle survit par la force des autres, par l’amitié, par une phrase répétée pour ne pas s’effondrer. Et, surtout, par la volonté de retenir ce qu’elle voit. “Il faut que je me souvienne”, se dit-elle. Pas pour elle, pour nous. Elle en ressort brisée, mais vivante.

Et c’est à partir de là que commence ce qui la rend incroyable. Elle va écrire. Beaucoup. Auschwitz et après, publié en 1965, devient un choc littéraire. Pas un récit académique : une mosaïque de sensations, de silences, de souvenirs qui transpercent. Delbo travaille les mots comme une arme douce, pour rappeler que derrière les chiffres — 6 millions, 230 femmes, 50 survivantes — il y avait des respirations et des mains qui tremblaient. Elle dit la douleur avec une lucidité presque insolente. Et c’est peut-être ça, la vraie résistance.

On croit souvent que le passé s’éloigne, que ses cicatrices s’effacent. Mais tant que des voix comme celle de Charlotte continuent de parler, est-ce que l’oubli peut vraiment gagner ?

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